Alors que le projet de loi de reconquête de la biodiversité devrait être adopté avant l’été par le parlement, la ministre de l’Environnement vient d’annoncer, en clôture de la conférence environnementale 2016, la construction de plus d’une centaine de petites centrales hydroélectriques.
Le flot ininterrompu de ces aménagements qui accable les cours d’eau depuis les années 1950, a conduit aujourd’hui à une implantation de près de 2000 unités à tel point qu’il n’existe pratiquement plus de rivière proche de l’état naturel dans notre pays, situation qui ne pourra qu’être aggravée par la vague annoncée.
C’est une décision catastrophique pour l’état des fleuves, rivières, et ruisseaux, et démagogique dans la mesure où l’énergie électrique qui serait produite, serait tellement faible que son impact sur les changements climatiques ne peut être que dérisoire.
Mais c’est aussi une décision incohérente car le changement climatique va réduire la production de ces petites unités, directement impactées par la diminution globale de la pluviométrie, l’allongement des étiages, et l’accroissement de la variabilité du débit des cours d’eau, dont la température s’élèvera.
Autant de facteurs défavorables qui se répercuteront sur la qualité de l’eau, sur le bon état de la biodiversité, et auxquels viendront s’ajouter les pertes de continuité occasionnées par ces nouveaux barrages qui vont limiter, voire supprimer, l’indispensable mobilité des espèces, cruciale pour leur adaptation à la dérive climatique.
Autre tare. Ces petites installations hydroélectriques seront situées prioritairement en zones de montagne où l’on trouve, selon les critères de la Directive Cadre sur l’Eau, le peu de cours d’eau en « très bon état » qui subsistent, mais aussi les plus fragiles face au changement climatique. Elles vont être bien mal barrées…ces rivières !
Les pressions qui pèsent sur les cours d’eau et les menacent directement sont principalement la pollution diffuse, en majorité d’origine agricole (nitrates, phosphore, pesticides) et l’artificialisation du cours des rivières (prélèvements, réduction des débits, endiguement,) en particulier les ruptures de continuité écologiques induites par la présence de quelques 80 000 ouvrages de toute nature (canalisation, barrage et seuils).
La décision délibérée de la ministre menace directement l’atteinte du « bon état » des cours d’eau ; objectif assigné par la directive cadre européenne sur l’eau, alors même que notre pays accuse un retard préoccupant en la matière par rapport aux objectifs du Grenelle de l’environnement.
FNE et la FNPF regrettent cette décision irresponsable, prise pour satisfaire l’intérêt financier d’un lobby bien identifié qui s’agite dans tous les sens, et au détriment de l’environnement naturel de tous.
Jacques Pulou responsable de la politique de l’eau de la FRAPNA, et vice-Président du Comité de Bassin Rhône Méditerranée fait remarquer : « le niveau de rentabilité exceptionnelle de ces opérations pour quelques investisseurs est acquis au prix d’une contribution financière publique massive au travers d’un prix d’achat garanti complètement artificiel et déconnecté du prix du marché, ce qui rend la position économique de ces opérations particulièrement fragile. Rien ne justifie cette contribution financière publique pour une technologie inventée pour l’essentiel bien avant la dernière guerre mondiale et dont l’exploitation automatisée n’a qu’un très faible contenu en emplois. Ces fonds seraient mieux utilisés dans les efforts d’économies d’énergie. En ces temps de disette budgétaire on attendait mieux de la ministre ! »
Pour Bernard Rousseau responsable des politiques eaux de FNE, et administrateur de l’ONEMA : « l’avenir du parc hydraulique français se situe bien évidement dans sa meilleure insertion environnementale y compris par l’élimination d’unités obsolètes comme sur la Sélune, mais aussi dans son adaptation à l’injection massive d’électricité issue des sources renouvelables variables (éolien et photovoltaïque en particulier) dont le potentiel de croissance est porteur d’avenir.»
Pour Claude Roustan, président de la FNPF, « Ces annonces sont inopportunes à l’heure du vote de la loi de reconquête de la biodiversité et affecteront de manière irréversible l’état de notre patrimoine commun. Depuis l’arrêt du processus d’enlèvement des barrages de la Sélune, ce ministère arbitre contre l’intérêt général et notre patrimoine naturel ».
Ils rappellent que leurs fédérations sont favorables aux investissements qui sont complémentaires du développement des énergies renouvelables et variables : comme ceux récemment engagés par EDF sur les concessions hydroélectriques de La Bathie-Roselend, la Coche en Savoie, le Cheylas et Gavet en Isère, qui, pour un bilan environnemental positif, apporteront un supplément de 370 GWH dont 225 GWH de productible net hors pompage équivalent à plusieurs centaines de microcentrales et 168 MW de puissance de pointe indispensable à l’augmentation de la part d’électricité renouvelable : quand on prétend faire de l’hydroélectricité, il faut le faire sérieusement, et pas avec des moulinettes sur des ruisseaux !
Cette décision de la ministre est contraire à ce qu’il faut faire pour les énergies renouvelables : un ministre peut subir la pression des lobbies mais sa liberté, et sa responsabilité, c’est aussi de prendre en compte l’avis des lanceurs d’alertes !
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